Le gluten est surtout connu pour son rôle dans la maladie cœliaque et certaines hypersensibilités digestives. Depuis 2015, plusieurs équipes ont exploré un possible impact rénal, notamment sur la néphropathie à IgA (IgAN) ou maladie de Berger. En 2025, le message est nuancé : quelques données expérimentales et observations cliniques suggèrent qu’un régime riche en gluten pourrait aggraver certains mécanismes d’IgAN chez des sujets prédisposés, mais l’éviction du gluten n’est pas un traitement standard de la maladie. Elle peut néanmoins être discutée au cas par cas, surtout en présence de maladie cœliaque associée ou d’une sensibilité documentée.
Points clés 2025
• L’IgAN résulte d’un excès d’IgA1 déficientes en galactose, d’auto-anticorps et de dépôts mésangiaux → inflammation et altération de la filtration.
• Le gluten (peptides de gliadine) peut interagir avec des récepteurs de l’IgA (dont CD89) dans des modèles animaux/humanisés ; preuves humaines hétérogènes.
• Aujourd’hui, le socle thérapeutique validé de l’IgAN reste : bloqueurs du SRA, prise en charge tensionnelle, réduction de la protéinurie, SGLT2 quand éligible, ± budesonide ciblé ou antagonistes endothelin/angiotensine selon profil.
• Le régime sans gluten peut être envisagé en cas de maladie cœliaque ou d’essai encadré chez des patients motivés—avec suivi diététique et réévaluation de la protéinurie et de la fonction rénale.
Ce que montrait l’étude fondatrice (2015)
Une équipe française a montré, chez des souris humanisées prédisposées à l’IgAN, qu’un régime sans gluten sur plusieurs générations réduisait les dépôts mésangiaux et que l’exposition au gluten (gliadine) réactivait ces dépôts via une interaction gliadine–CD89. Ces résultats ont ravivé l’hypothèse d’un lien alimentaire chez des sujets génétiquement sensibles. Ils restent toutefois expérimentaux et ne suffisent pas, isolément, à recommander une éviction systématique du gluten à tous les patients.
Limites à garder en tête
• Modèles animaux ≠ humains : la transposabilité n’est pas automatique.
• Les essais cliniques contrôlés sur l’éviction du gluten dans l’IgAN sont encore rares et de taille modeste.
• Une diète restrictive non encadrée expose au risque de carences et de qualité de vie altérée.
Prise en charge de la maladie de Berger en 2025
Le pronostic dépend de la protéinurie, de la pression artérielle, de l’eGFR et des lésions histologiques (biopsie). La stratégie actuelle vise à ralentir la progression vers l’insuffisance rénale :
- Hygiène thérapeutique : sel modéré, poids stable, activité physique, arrêt du tabac.
- Traitements de fond : blocage du système rénine–angiotensine, contrôle strict de la pression ; inhibiteurs du SGLT2 lorsque l’eGFR le permet ; budesonide à libération ciblée ou autres thérapies récentes chez les patients à haut risque/protéinurie persistante malgré l’optimal.
- Immunosuppression (corticoïdes systémiques) : discutée au cas par cas, selon bénéfice/risque.
- Dépistage de la maladie cœliaque si symptômes ou antécédents familiaux : en cas de confirmation, régime sans gluten strict (indication propre, avec effet parfois favorable sur la protéinurie).
Quelle place pour l’alimentation et le gluten ?
En dehors d’une cœliaquie prouvée, il n’existe pas de consensus 2025 pour recommander un sans gluten systématique dans l’IgAN. En revanche :
- Un essai thérapeutique alimentaire peut être discuté avec le néphrologue et un diététicien, sur 12–16 semaines, en suivant protéinurie, eGFR, symptômes et adhésion.
- Le régime rénal protecteur reste prioritaire : réduction du sel, apport protéique adapté (ni excès ni restriction sévère), choix de glucides complets, acides gras insaturés, limitation des ultra-transformés.
Plan d’action pratique (à discuter avec l’équipe soignante)
1) Stabiliser le traitement de fond (SRA, TA, SGLT2 si éligible) et mesurer la protéinurie de base.
2) Envisager un essai d’éviction du gluten si motifs cliniques (digestifs/cœliaque/suspicions) et motivation, avec suivi diététique.
3) Réévaluer à 3–4 mois : poids, énergie, protéinurie, eGFR, qualité de vie. Poursuivre seulement en cas de bénéfice objectivé.
4) Prévenir les carences (fibres, vitamines B, fer) si l’éviction est prolongée.
À retenir
- Les données animales ont suggéré un rôle aggravant du gluten sur l’IgAN ; preuves humaines encore limitées.
- Pas de recommandation universelle de régime sans gluten dans l’IgAN en 2025.
- Priorité : prise en charge rénale reconnue + mode de vie protecteur ; l’essai d’éviction se discute au cas par cas et se mesure.
Sources 2025
Papista C. et coll., 2015 (interaction gliadine–CD89, modèle humanisé).
Recommandations récentes de néphrologie (prise en charge IgA), documents d’éducation thérapeutique rénale.
Recherches 2016–2025 sur nutrition, gluten, microbiote et immunité muqueuse dans l’IgAN.