Face à la progression du surpoids, du diabète de type 2 et des maladies cardiovasculaires, agir sur les comportements alimentaires reste un levier majeur de santé publique. Les déterminants sont multiples (psychologiques, sociaux, environnementaux) : les stratégies efficaces combinent information, architecture des choix et incitations tout en respectant l’éthique et l’autonomie des personnes.
Un cadre simple pour comprendre et agir
La conduite alimentaire se joue à l’intersection de trois dimensions :
- un espace physique (offre disponible, portions, prix, étalages, cantines, plateformes de livraison) ;
- un espace mental (attention limitée, biais, émotions, habitudes) ;
- un espace social (normes, pairs, prescriptions, marketing).
Agir durablement suppose de coordonner des actions sur ces trois plans.
Théorie de l’« installation » : 3 leviers
Physique : rendre les meilleurs choix visibles, proches, pratiques (emplacement, portions, par défauts, prix).
Mental : simplifier l’info (codes couleur, repères par portion), limiter la charge cognitive en rayon.
Social : normes et engagements (pairs, écoles, entreprises), cohérence des messages et des environnements.
Pourquoi l’information ne suffit pas
Entre intention et action se glisse la routine : en situation réelle, on décide vite, avec des raccourcis (couleurs, prix, place en rayon). Les messages rationnels (« manger plus de X ») ont un impact limité sans adaptation de l’environnement et sans prise en compte des habitudes.
Biais courants à neutraliser
• Taille des portions sous-estimée ; les grands formats font consommer plus.
• Halo « santé » : un logo positif peut faire oublier les quantités.
• Par défaut : on accepte volontiers l’option standard (menus, livraisons, formules).

Dix leviers concrets (2025)
- Par défauts favorables : eau en boisson par défaut, accompagnements légumes/céréales complètes, vinaigrette légère servie d’office.
- Formats & portions : réduire les tailles « XXL », proposer des petites portions attractives et proportionnées en prix.
- Signalétique interprétative (codes couleur/score global) + rappel par portion au point de choix.
- Placement : fruits/légumes et options équilibrées à hauteur des yeux ; snacks sucrés moins saillants.
- Tarification : rabais sur options saines, taxe douce ou prix relatif défavorable pour les options très sucrées.
- Menus digitaux & applis : filtres « moins salé/sucré », tri par densité énergétique, badges clairs.
- Approvisionnement : cahiers des charges cantines/entreprises (sel, sucres, AG saturés, nutri-score interne).
- Marketing social : un seul message à la fois, positif, adapté au public (parents, ados, seniors…).
- Engagements collectifs synchronisés (réduction conjointe du sel/sucre entre marques pour éviter l’effet « fuite »).
- Rituels & routines : planification des repas, listes de courses, vaisselle plus petite, batch cooking.
Nudges : mode d’emploi
• Transparence (expliquer le « pourquoi »), liberté de choix préservée.
• Tester en petit, mesurer, ajuster (A/B testing, pilotes en cantines/magasins).
• Éviter la culpabilisation ; privilégier des bénéfices concrets (énergie, goût, prix, praticité).
Mesurer, corriger, pérenniser
Sans évaluation, pas de progrès : fixer un indicateur principal (ventes, choix au self, apports en sel/sucres, gaspillage), suivre avant/pendant/après, documenter les effets indésirables (compensation, baisse de satisfaction) et itérer. <div class= »encart-gris » style= »background:#F6F7F8;border:1px solid #E9EAEC;border-radius:12px;padding:20px;margin:16px 0;box-shadow:0 1px 0 #ECEDEF inset; »> <h2 style= »margin:0 0 10px 0;font-size:1.25rem;line-height:1.3; »><strong>Kit opérationnel (collectivités, écoles, entreprises)</strong></h2> <p style= »margin:0 0 10px 0; »>1) Diagnostic rapide (offre, flux, prix, messages en place).</p> <p style= »margin:0 0 10px 0; »>2) Choix de 3 leviers max (par défauts, portions, placement) + calendrier.</p> <p style= »margin:0 0 10px 0; »>3) <strong>Pilote 8–12 semaines</strong> avec mesure et feedback usagers.</p> <p style= »margin:0; »>4) Passage à l’échelle si résultats, puis amélioration continue.</p> </div>
Éthique et équité
Changer l’environnement alimentaire doit réduire les inégalités, pas les accentuer : accessibilité économique, goût et plaisir au cœur des solutions ; co-construction avec les publics concernés ; transparence sur les objectifs.
Sources & repères (sans liens)
Colloque FFAS (2012) sur les leviers de changement alimentaire.
Économie comportementale et « nudges » (applications en restauration/cantines/magasins, par défauts et signalétique).
Travaux sur portions, halo « santé », architecture des choix ; marketing social (5P), évaluation d’impact en conditions réelles.